Le Jeune serveur qui allait changer la vie de Tom – partie 3

***Si vous n’avez pas encore lu les parties 1 et 2, c’est ici et ici!***

 

En traversant la rue pour se rendre au travail, Tom est heureux; sa journée a bien commencé, presque qu’aussi normalement qu’avant l’arrivée de Steve. Évidemment, il lui faudra encore un peu de temps pour s’adapter à ce changement, mais il doit avouer que malgré toute son appréhension, Steve l’a étonné. Même s’il parle beaucoup, un peu trop à son goût, quelque chose dans ce garçon lui plaît bien et lui permet de le tolérer sans difficulté.

En deux jours seulement, Steve a su gagner la confiance de Tom. Personne n’avait encore réalisé cet exploit.

 

La journée s’est bien passée et Tom quitte le travail à 17h tapant, comme à l’habitude. En sortant de l’immeuble, de loin, il voit le restaurant du coin et reconnaît Steve, qui en sort. Ce dernier traverse la rue et se rend à l’arrêt de bus, le même auquel Tom se rendait.

– Oh…

Tom s’arrête de marcher. Steve est peut-être un bon garçon, mais il n’est que le serveur du restaurant du coin qui lui sert son café tous les matins; Tom ne s’attendait pas du tout à le croiser dans d’autres circonstances. Il sait que s’il se rend comme prévu à l’arrêt d’autobus, Steve va le reconnaître et il ne le laissera pas tranquille de tout le trajet. Il pourrait attendre le bus suivant, mais alors toute sa soirée serait chamboulée.

– Arg, Steve…

D’un pas résigné, Tom se dirige vers l’arrêt pour attraper le bus qui arrivera dans 3 minutes. Alors qu’il est au coin opposé, Steve le voit et lui fait un signe de la main. Tom le voit, le fixe, mais ne le salue pas en retour. Il se contente de soupirer alors que la lumière de piéton indique qu’il peut traverser.

– Bonjour m’sieur! s’exclame Steve.

– Hmm.

– Vous avez passé une bonne journée?

– Oui.

– Bien! Moi aussi j’ai passé une belle journée! Y’a fallu que j’travaille un peu plus tard, Jo pouvait pas rentrer, mais finalement, Max peut le remplacer. Mais ça m’dérange pas de faire un peu plus d’heures, ça m’fait plus d’argent, pis j’aime ben ma job, à date. Servir des clients, leur jaser un peu, c’est l’fun! Mon boss trouve que j’jase un peu trop, par exemple, va falloir que je travaille là-dessus. J’sais que je parle un peu beaucoup.

À ces mots, Tom ne peut réprimer un léger sourire.

– Pis vous, vous faites quoi comme travail? ajoute Steve.

– Comptable.

– Cool! J’ai jamais été très bon avec les chiffres, moi, y’a rien à faire, ça m’rentre pas dans tête. Pis une job de bureau, c’est pas fait pour moi, ça bouge pas assez. J’ai besoin de bouger pis de parler pis de voir du monde, toujours rester assis à regarder un écran, tout seul dans un bureau, ça m’rendrait fou, j’pense! Ha, tiens, le bus est là!

En effet, l’autobus s’approchait de l’arrêt. Tom l’avait vu venir depuis longtemps, lui, fixant l’horizon intensément pendant que Steve lui racontait plein de choses qu’il ne voulait pas entendre.

L’autobus maintenant immobilisé devant eux, Steve y monte, suivi de Tom. Steve s’avance tranquillement, puis s’arrête, debout, à l’avant.

– Il faut aller au fond de l’autobus, tu bloques les gens en restant là, dit Tom en se dirigeant vers le fond sans jeter un seul regard à Steve.

Ce dernier le suit sans dire un mot. Il reste justement deux places assises au fond; Tom grogne un peu en réalisant qu’il devra passer tout le trajet avec Steve, alors que Steve en est d’autant plus heureux. Après tout, Tom aurait très bien pu aller s’asseoir sans rien dire au jeune serveur, le laissant en plan à l’avant du bus!

– Vous habitez loin d’ici? Moi j’dois me rendre jusqu’au dernier arrêt, j’habite vraiment à l’autre bout de la ville. Ça m’en fait quand même long à faire tous les jours pour me rendre au resto, mais ça m’dérange pas, j’aime ça me promener en bus, ça m’détend, ça me rend zen.

Pour la première fois depuis leur rencontre, Tom, qui s’est installé sur le siège du fond, près de la fenêtre qu’il a légèrement ouverte, regardant le décor défiler et profitant de la faible brise sur son visage en tentant d’ignorer son comparse, est étonné lorsque Steve arrête de parler, ne faisant que regarder devant lui en appréciant le moment et ne s’attendant aucunement à ce que Tom réponde à sa question.

Ce silence dure même quelques instants, permettant à Tom de se détendre un peu. Certes, il apprécie Steve, mais quelques minutes à la fois sont suffisantes pour lui. Tout ce trajet en autobus le rend un peu mal à l’aise et inconfortable.

19 minutes après le début du trajet, Tom arrive à destination.

– Je sors ici, dit-il à l’intention de Steve tout en se levant.

– Ok, bonne soirée m’sieur! réplique Steve en se levant à son tour pour laisser passer Tom.

Comme Tom vient pour sortir de l’autobus, Steve s’adresse à lui, toujours debout.

– Hey, m’sieur!

Tom s’arrête, laisse d’autres personnes passer devant lui en se tournant vers Steve.

– C’est quoi votre nom?

Sans un mot, Tom sort de l’autobus. Steve, qui ne se laisse pas décourager pour si peu, se rassoit en le suivant du regard, se disant qu’il a tout de même bien progressé avec son nouvel ami aujourd’hui et qu’il pourra toujours travailler à découvrir son nom demain. Mais alors que Tom passe devant la fenêtre qui se trouve vis-à-vis le siège qu’il occupait un instant plus tôt, il se tourne vers Steve, le regarde et, par la légère embrasure, répond enfin à sa question.

– Tom.

Un seul mot qui va droit au but et qui procure à Steve un sentiment de fierté sans nom, un bonheur qu’il a du mal à s’expliquer. En deux jours, il a réussi à en apprendre probablement davantage sur un homme renfermé et introverti que quiconque depuis bien longtemps.

 

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